I- Evénement n°1 : 1453, la conquête de Constantinople par les Ottomans

A- De Constantinople à Istanbul, une rupture géopolitique ?

A travers le jeu de 5 cartes ci-dessous, voyons dans quelle mesure la conquête de Constantinople par les Ottomans en 1453 a constitué une rupture dans le jeu géopolitique.


Rédigez un court paragraphe à partir du dossier cartographique ci-dessous qui montre en quoi la rupture géopolitique après la conquête de Constantinople n'est pas totale. 

Au VIe siècle, le monde byzantin est dirigé par l'empereur Justinien Ier. L'Empire est à son apogée. Il domine l'ensemble du bassin méditerranéen. Il recoupe presque parfaitement les territoires de l'Empire romain sous Constantin. 

Cependant, dès les VIIIe-IXe siècles, les positions de l'Empire byzantin sont durement attaquées. L'Empire cède au Nord sous la pression des Bulgares. Puis à partir du XIe siècle, ce sont les Normands à l'Ouest et surtout les Turcs seljoukides (dont les Ottomans sont au départ une tribu parmi d'autres) qui grignotent progressivement l'Empire byzantin.

Carte : academie-en-ligne.fr
Carte : academie-en-ligne.fr
Carte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_byzantin
Carte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_byzantin

En 1450, à la veille de la prise de Constantinople, l'Empire byzantin est réduit à peau de chagrin, enserré dans l'Empire ottoman. Trois ans plus tard, la capitale byzantine tombe.


Au XVIe siècle, l'expansion ottomane s'effectue dans deux directions : sous Selim Ier (1512-1520) vers le Proche-Orient ; sous Soliman le Magnifique (1520-1566) vers l'Europe centrale centrale et l'Afrique du Nord. A la fin du XVIe siècle, l'Empire ottoman triomphe : il domine la Méditerranée et il est la première puissance du monde islamique.

A l'échelle régionale du bassin méditerranéen et de l'Europe centrale, on constate donc qu'il y a une véritable rupture au XVe siècle car on passe d'une domination byzantine à une domination ottomane. Mais si on passe à une plus petite échelle, la rupture géopolitique n'est plus aussi nette.


En effet, à l'échelle mondiale, à partir du VIe-VIIe siècle, le monde est centré sur l'Océan Indien et l'Europe n'est qu'une périphérie. L'Empire byzantin tout comme l'Empire ottoman font partie de ce cœur du monde, avec d'autres puissances : la Chine, les Royaumes indiens et l'Egypte. Dans ce système, l'Empire byzantin tout comme l'Europe assurent le rôle de point de contact avec l'Europe. 

Carte : Christophe Marchand, tiré de ac-strasbourg.fr
Carte : Christophe Marchand, tiré de ac-strasbourg.fr

Nous pouvons donc dire que la date de 1453 qui symbolise la victoire de l'Empire ottoman sur l'Empire byzantin :

  • constitue une rupture géopolitique à l'échelle régionale : la puissance ottomane prend la place de la puissance byzantine sur l'ensemble de la Méditerranée et de l'Europe orientale
  • ne constitue pas une rupture géopolitique à l'échelle mondiale : la puissance ottomane tout comme la puissance byzantine avant elle continue à jouer un rôle de charnière entre le cœur du monde centré sur l'Océan Indien et sa périphérie européenne.

ALLER PLUS LOIN :

Pour mieux comprendre comment les Ottomans sont devenus une grande puissance régionale et mondiale au XVe siècle, vous pouvez visionner cette émission de Jean-Christophe Victor de septembre 2004, Le Dessous des Cartes. Pour visionner en grand, cliquez sur l'icône YouTube en bas à droite de la vidéo.



B- De Constantinople à Istanbul, une capitale transformée ?

Voici deux plans ci-dessous. Celui de gauche correspond à la ville de Constantinople avant la conquête par les Ottomans en 1453. Celui de droite représente la ville après la conquête : elle a été renommée Istanbul.


Comparez à l'aide du tableau les éléments qui montrent les transformations de la ville.

 

Constantinople

avant la conquête

Istanbul au XVIe
Eléments nouveaux Eléments préservés Eléments transformés
Fonction politique        
Fonction religieuse        
Fonction économique        
Fonction sociale        

Constantinople au XVe siècle,

Plan tiré de www.academie-en-ligne.fr

 

Istanbul au XVIe siècle,

Plan tiré de MARCHITTO Fernard (dir.), Cartes et documents en Histoire-Géographie 2nde, Scérén CNDP-CRDP, Nice, 2012





Le tableau ci-dessous recense les transformations, les innovations mais également les préservations d'urbanisation typiques de la ville de Constantinople-Istanbul avant et après 1453. L'identité de la ville se situe entre ruptures et continuités.

 

Constantinople

avant la conquête

Istanbul au XVIe
Eléments nouveaux Eléments préservés Eléments transformés
Fonction politique        
Fonction religieuse        
Fonction économique        
Fonction sociale        

C - De Constantinople à Istanbul, un lieu de contact remis en cause ?

Après la conquête achevée en 1453, le sultan Mehmet refuse l'islamisation forcée de la population de la ville. Istanbul fait désormais cohabiter des musulmans (sunnites et chiites), des chrétiens (catholiques, orthodoxes, arméniens) et des juifs (séfarades, ashkénazes). Elle reste donc un lieu de contact entre différentes religions et différentes cultures. 

 

Montrez que les différentes religions et cultures coexistent pacifiquement à Istanbul après 1453. Vous utiliserez pour cela :


  • un argument démographique 
  • un argument urbanistique
  • un argument juridique

Evolution de la population de Constantinople-Istanbul par communautés en nombre de foyers


Vers 1478 Vers 1500
Musulmans 9 517 46 640
Chrétiens (orthodoxes, arméniens, catholiques) 5 162 25 288
Juifs 1647 8240

Décret de Mehmet II sur les habitants de Péra, 1453

Istanbul au XVIe siècle,

Plan tiré de MARCHITTO Fernard (dir.), Cartes et documents en Histoire-Géographie 2nde, Scérén CNDP-CRDP, Nice, 2012


Grâce à cette cohabitation religieuse et culturelle, les influences artistiques sont nombreuses. Par exemple, Mehmet II, le conquérant de Constantinople, fait peindre son portrait par l'artiste italien Gentile Bellini en 1480, en dépit de l'interdit officiel de l'islam sur l'art figuratif. Par la suite, Mehmet II envoie le peintre ottoman Nakkas Sinan Bey à Venise. Bayazid II, son successeur, invite Léonard de Vinci à concevoir un pont sur le Corne d'Or.

 

Découvrez à travers le portrait du sultan peint par l'italien Bellini à travers qu'Istanbul est un lieu privilégié des contacts artistiques.



Néanmoins, au-delà de la tolérance des autorités ottomanes et d'un syncrétisme affirmés, des tensions existent.

  • Certes les non-musulmans ne sont pas soumis à une conversion forcée et peuvent conserver leurs coutumes et leurs tribunaux, mais ils restent selon la loi islamique des citoyens des sujets de second ordre. Ils doivent payer un impôt (djizya) en échange de la protection du sultan (ils sont ses "protégés", ses dhimmis). Ils ont aussi des droits sociopolitiques restreints comme l’interdiction de faire carrière dans l’administration ottomane ou d’hériter de musulmans.
  • Les lieux de culte des non-musulmans sont insuffisants : les orthodoxes ont perdu la majorité de leurs églises, transformées en mosquées dont Ayasofya ou abandonnées, par manque de fidèles ; les catholiques et les Arméniens ont moins d’une dizaine de lieux de culte. Quant aux Juifs, leurs 30 synagogues s’avèrent insuffisantes, eu égard à la croissance de la communauté à cause de l’émigration des sépharades, chassés de la péninsule Ibérique.
  • Par ailleurs, les musulmans chiites, accusés de déviance religieuse, sont persécutés

Après la conquête en 1453, le rôle de carrefour économique, religieux et culturel de la ville de Constantinople-Istanbul est revivifié :

  • Les contacts commerciaux sont redynamisés : le privilège accordé par les Byzantins aux Italiens d'avoir des entrepôts dans la ville est préservé. Le sultan signe avec François Ier des accords qui permettent aux marchands français de circuler librement dans tout l'Empire.
  • La cohabitation religieuse nouvelle entre musulmans et non-musulmans en fait une ville cosmopolite : Istanbul est bien une ville musulmane régie par une loi islamique mais où vivent juifs et chrétiens dans la tolérance. 
  • Les influences artistiques favorisent un syncrétisme culturel (= mélange d'influences)

ALLER PLUS LOIN

Le portrait de Mehmet II est un exemple de syncrétisme culturel.


Nous pouvons également étudier la mosquée de Süleymaniye. Elle a été conçue entre 1550 et 1557 par un architecte très réputé : Sinan. Elle est considérée comme la plus belle mosquée d’Istanbul.


Elle s'inspire largement de la basilique Sainte-Sophie avec la reprise de la technique du dôme en particulier.


C'est encore un exemple de syncrétisme culturel mêlant influences byzantines et musulmanes. 

Extrait de Topkapi, l'âge d'or de l'empire Ottoman, réalisé par Eclectic

Productions. Source

LA BASILIQUE BYZANTINE SAINTE-SOPHIE

(reconvertie ensuite en mosquée avec la construction de minarets)

Licence Creative Commons - Image redimensionnée - Auteur : Dave Sag - Cliquer sur l'image pour trouver la source originale et la licence afférente
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Visitez virtuellement Ayasofya ici


LA MOSQUÉE SÜLEYMANIYE

(qui s'inspire de la basilique Sainte Sophie)

Licence Creative Commons - Auteur : Jorge Láscar - Cliquer sur l'image pour trouver la source originale et la licence afférente
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Bibliographie

Sitographie :

  • Portrait du sultan Mehmet II : http://www.qantara-med.org/qantara4/public/show_document.php?do_id=1151